dimanche 30 octobre 2011

Ebauche de biographie

Sándor Károly Henrik Grosschmid (il signera Sándor Márai, d’un titre porté par sa famille, à partir de 1919) nait à Kassa (alors chef-lieu de la Haute Hongrie, aujourd’hui Košice en Slovaquie) le 11 avril 1900, premier enfant de Gezá Grosschmid juriste et de Margit Ratkovszky professeur au Lycée de jeunes filles.
Après des études, d’abord avec des précepteurs puis dans différents lycées (il est assez indiscipliné) il passe son baccalauréat en 1918 et est déclaré inapte au service militaire la même année. En 1919 pendant la révolution des conseils de Béla Kun, il écrit dans un journal révolutionnaire.
L’errance
Après la défaite des communistes Sándor Márai part étudier en Allemagne, d’abord à Leipzig, puis à Francfort et Berlin, où il mène une vie très libre, vivant essentiellement des subsides envoyés par son père et d’articles qu’il écrit pour des journaux hongrois et allemands dont la prestigieuse « Frankfurter Zeitung ». Il écrit des critiques, des pièces de théâtre et traduit Kafka en hongrois
En 1922 il rencontre à Berlin Ilona Matzner (Lola), une jeune fille de Kassa qu’il connaissait déjà. Il en tombe amoureux et ils se marient à Budapest l’année suivante. Ils s’installent à Paris où ils resteront cinq ans. Sándor Márai y fréquente écrivains et artistes, vit assez pauvrement et fait quelques voyages dont un assez long au proche orient qui donnera lieu à un livre (« Sur la trace des Dieux »*). Excepté un roman « Le Boucher »*, son activité littéraire est alors essentiellement journalistique : il envoie régulièrement des chroniques à des journaux hongrois et commence à se faire une notoriété dans son pays.
Le succès
En 1928 Sándor Márai et Lola reviennent en Hongrie et s’installent à Budapest (Kassa était devenue tchécoslovaque par le traité de Trianon en 1919). Alors commence une activité littéraire intense et prolifique (jusqu’à quatre œuvres majeures par an) très rapidement reconnue dans son pays et qu’il n’interrompra en 1944 qu’en protestation contre l’occupation allemande de son pays et la prise de pouvoir par les fascistes des croix fléchées. De cette époque datent notamment les romans « Premier amour » (1928), « Les révoltés » (1930), « Un chien de caractère » (1932), « Les confessions d’un bourgeois » et « L’étrangère » (1934), « Divorce à Buda » (1935), « Patrouille à l’ouest »* (1936), « Les jaloux »* (1937), « L’héritage d’Eszter » (1939), « La conversation de Bolzano » et « Sinbad rentre chez lui »* (1940), les deux premières parties de « Métamorphoses d’un mariage » (1941), « Les braises » (1942), « La mouette »* (1943),. Tout en publiant des chroniques régulières dans des journaux, il écrit aussi pendant cette période des pièces de théâtre, des essais comme « Ecole pour les pauvres »* (1933), et plusieurs recueils de « formes courtes » (réflexions, aphorismes, poèmes en prose …) comme « Les quatre saisons »* ou « Ciel et terre »**. Sans jamais s’agréger à une quelconque coterie littéraire, il entretient des rapports de bon voisinage avec ses confrères contemporains comme Dezső Kosztolányi ou Zsigmond Móricz et une correspondance régulière avec Tibor Déry.
Des années noires
Déjà assombrie par les événements politiques (Régence dictatoriale ultra conservatrice de l’amiral Horthy, arrivée d’Hitler au pouvoir, Anschluss, puis deuxième guerre mondiale) la vie de Sándor Márai subit à cette époque plusieurs épreuves personnelles majeures. D’abord en 1934 la mort de son père à qui le liait une profonde affection et estime, puis en 1939 le décès à six semaines de son unique enfant, Kristóf. (Vers la fin de la guerre, il adoptera Janós un orphelin, ou enfant abandonné, on ne sait pas trop). Et enfin au retour du village où il avait trouvé refuge pendant le siège de Budapest, il retrouve sa maison en ruines.
Après la « libération » de la Hongrie et la prise de pouvoir progressive d’un régime communiste au sein d’une république populaire qui d’abord l’honore (nomination comme Secrétaire Général de L’Union des Ecrivains en 1945, puis élection à l’académie des sciences en 1947) puis le tolère, il publie encore quelques romans comme « La sœur »* (1946) et « Les offensés »* (1947 – 1948) mais fait l’objet de critiques de plus en plus virulentes, en particulier du grand intellectuel marxiste George Lukács. Petit à petit il se fait à l’idée de quitter son pays.
Il racontera beaucoup plus tard (1972) la période des années de la fin de la guerre à son exil dans le passionnant « Mémoires de Hongrie ».
Départ en exil
A l’occasion d’une rencontre internationale d’écrivains à Genève il obtient facilement un visa pour lui et sa famille (il semble que le régime soit plutôt content d’être débarrassé d’une voix qu’il aurait eu du mal à faire taire, alors qu’une fois l’écrivain parti il le fera purement et simplement disparaître des rayons des bibliothèques et des librairies, à la manière de ces photos retouchées où les proches disgraciés disparaissaient dans l’iconographie officielle). Après quelques semaines passées en Suisse qui se révèle trop onéreuse pour ses faibles ressources, il refuse une offre de son éditeur allemand de s’installer en Allemagne où son dernier roman traduit (La mouette) a eu un gros succès, estimant « qu’il ne trouve aucun contact spirituel avec les allemands. Je vais déménager en Italie où rien ni personne ne m’attend. »
Loin de la patrie
Il s’installe en effet à Naples dans le quartier de Pausilippe, où il situera plus tard son roman « Le miracle de San Gennaro » (publié en allemand en 1957, puis en hongrois en 1965). Il fait fréquemment des voyages à Rome, où il est missionné par Radio Free Europe pour des émissions régulières destinées à la Hongrie et auxquelles il ne mettra fin qu’en 1967, « couvrant » notamment la période de l’insurrection de 1956. Pendant cette période, il lit beaucoup mais à part la tenue de son journal et l’écriture d’articles pour les journaux de l’émigration, son activité littéraire est alors moins intense et se borne à la publication de « Paix à Ithaque » (1952).
New York (1952-1967)
Préoccupé par l’éducation de Janós et la situation politique italienne incertaine, il part en 1952 aux Etats-Unis (dont il devient citoyen en 1957) où il s’installe à New York. Pendant ce premier séjour américain il effectue plusieurs voyages dont un périple à travers les Etats Unis qui seront l’occasion d’un journal de voyage « Le vent vient de l’ouest »*. Son activité littéraire se réduit encore. A part « Le miracle de San Gennaro » déjà cité il ne fait paraître que son journal de 1945 à 1957 et une pièce en vers « Un monsieur de Venise ». Sándor Márai se transforme en éditeur de ses œuvres qu’il diffuse auprès d’amis et de librairies hongroises dans le monde. Il passe beaucoup de son temps dans les bibliothèques publiques et dans les musées mais malgré le confort américain il regrette l’Europe et en mai 1967 se décide à retourner en Italie.
Sous le soleil de la Méditerranée (1967-1980)
Les Márais emménagent à Salerne. Ils profitent de la proximité immédiate de la mer (l’un et l’autre aimaient beaucoup la natation) et mènent une vie très calme. Sándor Márai continue à éditer lui-même certains de ses ouvrages comme son journal des années 1958 à 1967 ou un roman « Un fortifiant »* (1975). Paraissent également pendant cette période chez divers éditeurs « Le jugement de Canudos »* (1970), « Il s’est passé quelque chose à Rome »* (1971), « Mémoires de Hongrie » (déjà cité), la dernière partie de « Métamorphoses d’un mariage » (1980), son journal des années 1968 à 1975 et une anthologie de poèmes « Le dauphin regarde en arrière »* (1978). Mais des problèmes de santé préoccupent le couple (Sándor victime d’une hémorragie intestinale doit passer un mois à l’hôpital) et ayant peu confiance dans le système de santé italien ils décident en mai 1980 de retourner aux Etats-Unis.
Dernières années, dernières épreuves (1980-1989)
Cette fois c’est sur la côte pacifique, à San Diego, que s’installent Sándor Márai et Lola, à une soixantaine de km de leur fils János. Il écrit peu en dehors de son journal : une pièce de théâtre « Job … et son livre »* (1982) et deux romans « Les trente deniers »* (1983) et « Amour de cœur »* (1985).  La santé de Lola se dégrade : quasi-cécité, fréquentes pertes de connaissance, dégradation des facultés mentales puis cancer. Et Sándor lui-même est victime d’un glaucome qui diminue fortement sa vue. Il se dévoue entièrement au soutien de Lola jusqu’à son décès le 4 janvier 1986. Il perd successivement son frère Gabor, sa sœur Kato puis le benjamin de ses frères le metteur en scène de cinéma Gezá von Radványi, et enfin son fils adoptif János (23 avril1987) d’une forme brutale d’endocardite. On commence à se souvenir de lui en Hongrie, mais il décline toute forme de « re-connaissance ». Le 22 février 1989 il se tire une balle dans le crâne. Selon sa volonté ses cendres sont dispersées dans le Pacifique comme l’avaient été celles de Lola et de János.
Sources
  • Ernö Zeltner : Sándor Márai - Ein Leben in Bildern, en allemand, Piper Verlag GmbH, München (2001)
  • Sándor Márai : Tagebücher 2 – 1984-1989 (en allemand, traduit du hongrois par Hans Skirecki), Oberbaum Verlag GmbH, Berlin (2001)
  • Sándor Márai, Tibor Simanyi : Lieber Tibor – Briefwechsel (en allemand, traduit du hongrois par Tibor Simanyi), Piper Verlag GmbH, München (2002)
  • Wikipédia allemand, français et hongrois : notices sur Sándor Márai
  • Base littéraire plurilingue de la fondation hongroise du livre,
    versions française et allemande (http://www.hunlit.hu/index.d2?language=fr et http://www.hunlit.hu/index.d2?language=de)


* Les ouvrages portant un titre suivi d’un astérisque ne sont pas traduits en français (à la date du 30/10/2011). Les titres indiqués sont extraits de la « Base Littéraire plurilingue de la fondation hongroise du livre » (voir « Sources »)