samedi 21 avril 2012

Envie de vins italiens !

A l'intention d'Ibolya et de Marina
Si je reste en vie, la seule tâche de ma vie sera de me taire pendant dix volumes.
Rendez-moi la mer, la mer ! Et du vin couleur d’émeraude, un Orvieto, ou un Vérone rouge sang. Et de la chaleur, de la chaleur dorée ! Et une ville, et entre ses murs des femmes et des poètes qui vivent ! Tout le reste vous pouvez l’emmener au nom de Dieu.
Extraits du journal de l'année 1945, d'après la traduction allemande de Clemens Prinz
(Sándor Márai, Unzeitgemäße Gedanken, Tagebücher 2, 1945 / Piper Verlag, 2009) 

jeudi 19 avril 2012

Dernière

Attention, attention !

Ce soir dernière représentation de La conversation de Bolzano.

Critique de Télérama :
La Conversation de Bolzano
De Sàndor Màrai, mise en scène de Jean-Louis Thamin. Durée: 1h15. Jusqu'au 19 avr., 20h3O (mer.), 19h (jeu.), Théâtre de l'Atalante, 10, place Charles-Dullin, 18e, 01 46 06 11 90. (10-20 €).
Le comte de Parme rencontre Casanova à Bolzano et lui propose un marché diabolique. Le séducteur vénitien a croisé autrefois la belle Francesca, l'épouse du comte. Un amour jamais consommé mais qui plane comme une ombre sur son mariage. Pour en finir, il décide d'acheter Casanova pour qu'il passe une nuit avec Francesca, afin qu'elle se délivre de cet amour. Le texte de Sándor Márai (1900 -1989), auteur de langue hongroise, est d'une densité et d'une beauté d'écriture rares. L'auteur, qui sait si bien parler de la décomposition de l'Empire austro-hongrois, imagine ici un jeu de pouvoirs et de travestissements. L'adaptation, très tendue, transforme le spectacle en un jeu d'échecs brillant mené par trois comédiens : Hervé Van der Meulen fait un comte madré, dangereux, Jean-Marie Galey, un Casanova désabusé et lâche, Teresa Ovidio, une Francesca libre et audacieuse.

dimanche 15 avril 2012

Bilan

Regarde autour de toi, remercie le ciel, calme toi. Qu’es tu et qui ? Un écrivain hongrois, c’est ce que tu es, un de l’espèce qui ne peut rien écrire d’autre que ce dont elle a envie, tu es donc un mendiant, tantôt un mendiant privilégié, tantôt un mendiant bourgeois, mais toujours livré au caprice et à l’humeur d’un pauvre pays morose. Tu n’es pas un besoin primaire pour la vie de la nation. Dans le meilleur des cas ils te tolèrent … Tu es écrivain hongrois, par conséquent marié avec la sainte pauvreté, tu te presses dans la zone frontière, au bord de la société comme les tziganes, de temps à autre les personnes respectables et puissantes, qui ont titres, maisons et médailles, s’occupent brièvement de toi, protecteurs, ils te frappent sur l’épaule, le plus souvent ils te jettent simplement un pourboire sur ta soucoupe si tu as fait de la belle musique. Tu es écrivain hongrois, représente les intérêts d’une nation dans le monde, y compris quand cette nation ne veut rien en savoir. Tourne ton cœur vers les pauvres. Tout le reste n’est qu’illusion, faribole et mensonge. Voilà le bilan.

Extrait de "Ars Poetica", deuxième partie de "Ciel et terre"
d'après la traduction en allemand d'Ernö Zeltner

vendredi 6 avril 2012

Trésor des pauvres

Un des joyaux de "Ciel et terre" (Ég és föld )

TRESOR DES PAUVRES
La nouvelle domestique vit depuis quelques semaines dans le trou que ces messieurs-dames lui ont attribué comme chambre près de la cuisine. Il mesure quatre mètres carrés : pour le lit métallique rabattable, la place suffit, pour rien d’autre. A quelques clous plantés dans la porte la fille a accroché ses quelques haillons, toutes ses hardes.
Pourtant maintenant, comme elle se sent déjà tout à fait « chez elle », elle dispose ses trésors timidement et avec précaution aussi. Elle possède une poupée, et elle a aussi un objet d’art : une statuette féminine en marbre artificiel avec une robe échancrée jusqu’à la taille… un petit coussin de soie lui appartient aussi, quelque chose d’élimé, d’effrangé. Voilà tout son avoir.
Les objets me touchent profondément, mes yeux se mouillent quand je les observe. Dans le monde petit-bourgeois où de tels bibelots étaient parure et ornement, je me serais détourné plein de dégoût et de mépris de ce bazar. Mais ici, dans la chambre de la domestique, ils irradient recueillement et vénération comme les trésors du Louvre. « Il faut qu’il y ait dans la vie quelque chose de beau devant quoi se recueillir, il faut bien quelque chose à quoi croire, sans l’art la vie serait sordide ! » – c’est ce que disent ces objets – « Il faut aussi quelque chose de précieux dans la vie ! » Troublé et sans voix je m’arrête. Bien sûr, sans un trésor on ne peut pas vivre.
Extrait de "Ciel et terre"
d'après la traduction en allemand d'Ernö Zeltner

mardi 3 avril 2012

Jean-Louis Thamin, adaptateur de "La conversation de Bolzano" aux "Traverses du temps" sur France-Musique

Marcel Quillévéré recevait mardi 3 avril Jean-Louis Thamin aux "Traverses du temps" sur France-Musique.

Il présente ainsi "La conversation de Bolzano" dont Jean-Louis Thamin a signé l'adaptation scénique avec Jean-Marie Galey :

La conversation de Bolzano de Sándor Márai
Cinq ans après un duel au cours duquel le Comte de Parme a arraché aux griffes du célèbre séducteur vénitien la jeune Francesca, les deux hommes se retrouvent à Bolzano. Casanova est en fuite, après son évasion de la prison des Plombs. Le tout puissant Comte de Parme, qui a depuis épousé la belle, vient lui proposer un pacte dangereux. Les quatre derniers chapitres du roman, que Jean-Louis Thamin et Jean-Marie Galey ont choisi d'adapter, ont pour titres : le contrat, le masque, la représentation, la réponse. Et les personnages eux-mêmes ont le sens de la mise en scène.

On assiste à une joute théâtrale d'une grande virtuosité. Les protagonistes savent assurément manier la langue, connaissent le pouvoir des mots qui enrobent et qui piègent. La parole procède ici par déferlement ...

dimanche 1 avril 2012

La conversation de Bolzano au Théâtre de l'Atalante - critique personnelle

La défaite de Bolzano
Tout d’abord un immense merci à Jean-Marie Galey et Jean-Louis Thamin d’avoir fait revivre la magnifique prose de Sándor Márai, de l’avoir fait incarner sur scène par ces trois personnages emblématiques du comte et la comtesse de Parme face à Giacomo, l’aventurier de l’amour (dans le roman jamais il n'est nommé autrement que par son prénom, mais tout l’identifie bien sûr à Casanova). Même traduit ce texte reste un chatoiement aux mille facettes que l’adaptation théâtrale respecte à la lettre et rehausse d’une interprétation impeccable.
Trois personnages qui sortiront vaincus de la joute de leurs discours, vaincus d’abord par eux-mêmes. Le comte d’abord (magnifique interprétation, à la fois altière ...