mercredi 26 juin 2013

Košice - Kassa rend hommage à Márai


Maison natale de Márai
(à l'arrière-plan la cathédrale Ste Elisabeth)

Košice (aujourd'hui en Slovaquie), ville natale de Sándor Márai est cette année, avec Marseille,  capitale européenne de la culture.

L'ancienne Kassa (Kaschau pour les allemands, Cassovie pour les français) programme parmi un grand nombre d'événements, une "journée Márai" le 1er octobre 2013.

Dans la présentation (en anglais) de l'événement, la rédactrice reconnait : 
Statue commémorative à Košice (rue Zbrojničná)
"Sándor Márai is definitely the most well known Košice-born person in the world. Despite that, in the cultural area of the city and Slovakia he is still fairly unknown and a little cited persona."  

(Sándor Márai est certainement  la personne née à Košice la plus célèbre dans le monde. Malgré cela il est pratiquement inconnu dans la sphère culturelle de la cité et en Slovaquie et une personnalité peu citée.)
Il est assez étonnant que plus loin dans cette information la journaliste présente Sándor Márai comme un "globe-trotter" sans dire qu'il a passé la moitié de sa vie en exil forcé !

dimanche 2 juin 2013

A propos de Márai et Krúdy


A l’occasion de la parution de Sindbad torna a casa, traduction en italien de Szindbád hazamegy de Sándor Márai (voir message du 21 mai), voici, avec l’aimable autorisation de M. Ákos Cseke de l’université Pázmány de Budapest, quelques extraits de sa communication au colloque sur Sándor Márai (avril 2010) reprise dans La fortune littéraire de Sándor Márai (Editions des Syrtes ; voir sur ce blog le message du 24 septembre 2012).


... Nous avons, d'un côté, un auteur ignoré de la plupart des Français [Krúdy], une œuvre intraduisible, que seuls les Hongrois ont le privilège de pouvoir véritablement comprendre, et, de l’autre, un roman que notre écrivain [Márai] consacre à cet auteur mystérieux, dont il imite les thèmes et le style, parfaitement insaisissables au lecteur français faute de traduction et faute pour lui de ressentir cette tristesse éminente des Hongrois dont parle Márai.

Mais ce n'est pas tout : les difficultés de la traduction commencent dès la traduction du titre, avec le mot hazamenni, qu'on traduit par « rentrer chez soi » ou « retourner », mais qui renvoie aussi à l'idée de la mort et de l'agonie. Comme il s'agit de la dernière journée de la vie de Sindbad, le verbe hazamegy signifie tout simplement « mourir ». Le nom de Sindbad pose également problème. En effet, si un lecteur français entend parler de Sindbad, il pense à coup sûr au héros des Mille et une nuits, or le Sindbad en question n'a a rien à voir avec ces contes arabes. Pour un lecteur hongrois, il est évident que Sindbad, c'est Krúdy lui-même ou un Krúdy vu par Márai, puisque Sindbad est le héros de plusieurs œuvres de Krúdy et que Márai, dans son roman, identifie Krúdy avec son héros, lequel héros, en dehors de son nom, n'a rien de commun avec le voyageur oriental.

Couverture de l'édition hongroise
montrant Krúdy à sa fenêtre
… Plus qu'un roman sur Krúdy, Szindbád hazamegy — que je traduis par Sindbad rentre — est un roman sur la Hongrie, ce pays « triste dans son cœur[1]  », un roman sur le peuple magyar, sur ses rêves, mais aussi sur les estomacs hongrois et les panses hongroises, sur les lieux magiques de l'ancien Budapest, sur les rues et les maisons d'Óbuda, sur les cafés et les bains budapestois, sans oublier les écrivains contemporains de Krúdy et de Márai. C'est tout un monde qui se dessine, un monde qui, comme le dit Márai, n'est connu que de deux êtres : Dieu et Gyula Krúdy.

Sindbad rentre reste un roman incontournable, qui appelle à l'analyse du rapport entre ces deux auteurs hongrois. Pour Márai, Krúdy n'est pas un auteur quelconque ni simplement l'un de ses auteurs préférés : Gyula Krúdy est l'écrivain par excellence, le plus grand écrivain du xxe siècle. Ce ne sont pas des paroles en l'air. D'après son journal de 1989, Krúdy est le seul écrivain qu'il pouvait encore lire à la fin de sa vie, quand il en avait assez de toute la littérature. Krúdy, pour lui, est quelque chose d'unique, d'intime ; c'est une relation amoureuse.