Vient de paraître en Hongrie, chez Helikon l'éditeur de Márai, un inédit : Hallgatni akartam, c'est-à-dire Je voulais (ou j'ai voulu) me taire. La correspondante hongroise qui m'a signalé cette parution, me fait remarquer qu'hallgatni' peut aussi signifier 'écouter'. Délices de nos langues polysèmes !
« Il faut encore que j’écrive un troisième tome* qui
termine Confessions d’un bourgeois. Dans ces nuits sans sommeil je pense à la rédaction de ce livre », écrit-il dans son journal en 1944**.
Ce livre, d'après Márai lui même, est une continuation des Confessions d'un bourgeois pour la période qui commence à l'Anschluss (l'occupation-annexion de l'Autriche par Hitler en 1938).
C'est ce projet qu'il concrétisera en 1949 - 1950, mais dont le manuscrit était resté négligé jusqu'à maintenant, et qui fait l'objet d'une parution aujourd'hui.
* "Les confessions d'un bourgeois" (1934) comporte deux "tomes"
** d'après mon édition allemande du journal 1943-1944 ("Literat und Europäer", Piper-Verlag, traduction de Akos Doma) c'est en septembre 1944 qu'il écrivait ces lignes, poursuivant :
"Il n'est que rarement donné à un écrivain de vivre, dans la réalité même, un grand thème qui le touche au plus profond de lui-même, de le suivre jusqu'au bout. J'ai vu, connu la bourgeoisie hongroise dans tous ses aspects, jusqu'aux racines, la classe dans laquelle je suis né ; et aujourd'hui je suis le témoin de sa désintégration absolue. La description de ce processus de désintégration, c’est peut-être la seule véritable mission d’écrivain de ma vie. La description du processus de décomposition des vingt-cinq dernières années. Les filtres subtils par lesquels tout véritable talent a été tamisé de manière officielle ou non officielle. L’art et la manière par lesquels toute personnalité compétitive était mâtée, effarouchée, domestiquée. Comment on avait commencé à se livrer au jeu des insignes, au jeu des tables d’habitués, au jeu des conceptions du monde. Et comment tout ça avait débouché sur du banditisme et sur le déclin absolu."
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