L’image de ce paysage revient toujours avec une étonnante familiarité à
l’état de veille comme en rêve. Comme si j’avais laissé quelque chose là-bas. A
Morlaix le marché aux poissons. A Trégastel les falaises rouges sur la mer, l’eau
d’un bleu profond, cette nature sérieuse, luxueuse. A Roscoff le figuier
centenaire dans la cour. Les pêcheurs à St Malo, la manière dont ils vivent et
travaillent, graves et muets, selon des règles héritées du moyen-âge, des
rituels des éléments et de la ville incarnés. Mais ce n’est qu’accessoires,
travestissement du souvenir. Ce qui sans répit me parle et me crie de ce
paysage, c’est le fatidique, comme si j’avais déjà vécu là-bas. Il existe de
tels endroits. Et brusquement ils t’embrassent. Et tu ne peux rien faire
contre.
Extrait des "Quatre saisons"
d'après la traduction en allemand d'Ernö Zeltner