Je n’ai pas de visa pour un autre pays et pas d’argent non
plus ; la bourgeoisie, la classe à laquelle j’appartiens, perd sa clôture ; elle ne peut plus ni conserver ni défendre celui qui l’incarne :
le bourgeois. Où devrais-je fuir ?
Dans mon travail je cherche refuge, où pourrais-je ailleurs que dans ce
bannissement muet, dans l’exterritorialité du papier blanc. Je m’enfuis dans
mon occupation qui est à la fois forme de vie et sens des réalités, justice et
doute, distance et style. C’est mon autre pays ; un pays dur, où vivre
n’est pas un bonheur, pas un paradis. Et pourtant c’est un pays, un chez-soi,
triste et authentique, pour moi le seul chez-soi dans ce monde.
Extrait de "Ars Poetica", deuxième partie de "Ciel et terre"
d'après la traduction en allemand d'Ernö Zeltner
d'après la traduction en allemand d'Ernö Zeltner
Quelques années après ce texte, SándorMàrai choisira l'exil et s'installera définitivement dans ce "chez-soi" de la littérature et de sa langue.
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