Dimanche après-midi à Kassa, pour la première fois à nouveau depuis vingt cinq ans. Avec dans l’air l’odeur lourde de la souffrance épaisse, la souffrance de l’enfance. Cette tristesse et cette désespérance, la nervosité enfantine des dimanches, la semi obscurité des cafés, au milieu des cartes postales, comme autrefois dans la chambre d’enfant dominicale, quand le précepteur était parti et que nous étions restés seuls avec la scie, les livres de Jules Verne et le jeu de construction … Quelque part on joue aussi maintenant du piano. Il pleut. Dans la rue sous la fenêtre flânent en chantonnant des filles slovaques et des garçons hongrois en uniforme. Cette désespérance est profonde comme le temps, et aucun évènement extérieur ne peut la dissoudre. Le dimanche après-midi j’avais toujours envie d’aller au cirque. Toute la souffrance de l’enfance me tombe dessus et me terrasse dans ces heures ; le monstre, le monstre de l’ennui et l’attente terrifiante rode encore aujourd’hui dans ces maisons, derrière les fenêtres, sous ces portes cochères … Et ce qui est peut-être le plus triste : il n’y a plus de cirque dans ce monde dont j’ai encore envie de voir les numéros.
Extrait de "Ciel et terre"
d'après la traduction en allemand d'Ernö Zeltner
d'après la traduction en allemand d'Ernö Zeltner